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La "feuille de route" (le Monde du 3 juin 2003)

Voici le texte intégral des trois étapes prévues par la "feuille de route". Ce nouveau plan de paix a été élaboré par le Quartet, rassemblant les Etats-Unis, l'Union européenne, la Russie et les Nations unies. Ce document, officiellement transmis, le 30 avril, au gouvernement israélien et à l'Autorité palestinienne, constitue, selon les auteurs "un élément crucial des efforts internationaux pour promouvoir une paix globale" dans la région.

Le Quartet présente aujourd'hui au gouvernement d'Israël et à l'Autorité palestinienne une feuille de route pour la réalisation de la vision, partagée par les Etats-Unis, l'Union européenne, la Fédération de Russie et les Nations Unies, de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Les membres du Quartet ˛uvreront avec les parties et avec les acteurs-clés de la région pour l'exécution de cette feuille de route, dans la logique de cette vision. (...)

Le but est un règlement définitif et complet du conflit israélo-palestinien d'ici à 2005, conformément au discours du 24 juin du président Bush, qui reçut l'approbation de l'Union européenne, de la Russie et des Nations unies, exprimée par les déclarations officielles du Quartet, le 15 juillet et le 17 septembre. (...) Le plan a fixé un calendrier réaliste pour son exécution. Néanmoins, reposant sur des mesures concrètes, sa progression nécessitera et dépendra des efforts de bonne foi faits par les parties, et de leur observation de chacune des obligations exposées ci-dessous. Si les parties s'acquittaient rapidement de leurs obligations, l'accomplissement de chaque étape et le passage de l'une à l'autre pourraient intervenir plus tôt que prévu par le plan. Le non-respect des obligations ralentira le processus. (...)

Cette initiative constitue un élément crucial des efforts internationaux pour promouvoir une paix globale sur tous les volets de la question, incluant le problème d'Israël avec la Syrie et le Liban. (...).

1. Première phase. Fin de la terreur et de la violence, normalisation de la vie des Palestiniens, mise en place d'institutions palestiniennes, jusqu'en mai 2003.

Au cours de la première phase, les Palestiniens mettent un terme immédiat et inconditionnel à la violence, conformément aux étapes suivantes : cette action devra s'accompagner de mesures de soutien prises par Israël. Palestiniens et Israéliens reprennent la coopération sécuritaire sur la base du plan de travail Tenet pour en finir avec la violence et le terrorisme, et leur incitation, à travers des services de sécurité palestiniens restructurés et efficaces. Les Palestiniens entreprennent des réformes politiques globales pour préparer l'émergence d'un Etat, incluant la rédaction d'une Constitution palestinienne et des élections ouvertes, libres et justes, sur la base de ces deux mesures.

Israël prend toutes les dispositions nécessaires pour contribuer à la normalisation de la vie des Palestiniens. Israël se retire des zones palestiniennes occupées depuis le 28 septembre 2000, et les deux parties rétablissent le statu quo existant à l'époque, pendant que progressent la coopération et la réalité de la sécurité. Israël gèle également toutes les activités de colonisation, conformément au rapport Mitchell.

Dès le début de la première phase : l'autorité palestinienne publie une déclaration sans équivoque, réitérant le droit d'Israël à exister en paix et en sécurité, et appelant à un cessez-le-feu immédiat et sans condition, afin de mettre un terme à l'activité armée et à tous les actes de violence, partout, contre des Israéliens. Toutes les institutions officielles palestiniennes mettent fin à l'incitation à la violence contre Israël. L'autorité israélienne publie une déclaration sans équivoque affirmant son engagement en faveur de la solution de deux Etats, avec un Etat palestinien indépendant, viable et souverain, vivant en paix et en sécurité à côté d'Israël, comme l'a exposé le président Bush, et appelant à la cessation de tous les actes de violence, partout, contre des Palestiniens. Toutes les institutions officielles israéliennes mettent fin à l'incitation à la violence contre les Palestiniens.

Sécurité. Les Palestiniens décrètent une fin sans équivoque de la violence et du terrorisme, et sur le terrain ils s'efforcent désormais visiblement d'arrêter, d'entraver, d'interner les individus et les groupes menant ou préparant des attaques violentes contre des Israéliens, où que ce soit. L'appareil sécuritaire (Autorité palestinienne), refondé et recentré, lance des opérations ciblées et efficaces pour s'opposer à tous ceux qui pratiquent la terreur, et pour démanteler les capacités ainsi que les infrastructures terroristes. Ces opérations supposent que l'on commence à confisquer les armes illégales, et que soit renforcée l'autorité sécuritaire, hors toute association avec la terreur et la corruption.

Le gouvernement d'Israël renonce à des actions minant la confiance, notamment les déportations et attaques de populations civiles, la confiscation et/ou la démolition de maisons et biens palestiniens, comme mesure punitive ou pour faciliter des constructions israéliennes, la destruction d'institutions et d'infrastructures palestiniennes. Plus d'autres mesures détaillées dans le plan de travail Tenet. S'appuyant sur les mécanismes existants et les ressources sur le terrain, les représentants du Quartet amorcent une surveillance informelle et lancent une concertation avec les parties pour la mise en place d'un mécanisme formel de contrôle et son bon fonctionnement.

Mise en ˛uvre, conforme à un accord antérieur, d'un plan de coopération américaine de reconstruction, de formation et de retour à la sécurité, en collaboration avec le comité extérieur de surveillance (Etats-Unis, Egypte, Jordanie). Soutien du Quartet aux efforts pour arriver à un cessez-le-feu durable, global. Tous les organismes palestiniens de sécurité sont réunis en trois services sous tutelle d'un ministre de l'intérieur doté de pouvoirs. Restructurées et ayant suivi une nouvelle formation, les forces de sécurité palestiniennes ainsi que leurs homologues des forces de défense israéliennes (IDF) reprennent progressivement une coopération en faveur de la sécurité et d'autres initiatives pour la mise en ˛uvre du plan de travail Tenet, dont des réunions régulières à haut niveau, avec la participation de fonctionnaires américains de la sécurité.

Les Etats arabes suppriment les financements publics et privés, ainsi que toute autre forme de soutien à des groupes prônant ou pratiquant la violence et la terreur. Tous les donateurs fournissant une aide financière aux Palestiniens font transiter ces fonds par le compte unique du Trésor public du ministère palestinien des finances. Au fur et à mesure que progresse la réalité d'une sécurité globale, les IDF se retirent progressivement des secteurs occupés depuis le 28 septembre 2000. Les forces de sécurité palestiniennes se redéploient dans les zones évacuées par les IDF.

Mise en place d'institutions palestiniennes. Action immédiate pour un processus crédible d'élaboration d'un projet de Constitution pour un Etat palestinien. Aussi rapidement que possible, un comité constitutionnel fait circuler, pour commentaires et débats publics, un projet de Constitution palestinienne fondée sur une démocratie parlementaire forte, et un cabinet doté d'un premier ministre disposant de larges pouvoirs. Après élections, le comité constitutionnel soumet le document à l'approbation d'institutions palestiniennes compétentes. Nomination d'un premier ministre ou d'un cabinet intérimaires, dotés respectivement d'une pleine autorité exécutive ou d'un corps décisionnaire.

Le gouvernement d'Israël donne toute facilité de circulation aux représentants palestiniens, pour les sessions du cabinet et du Conseil législatif palestinien (PLC), les programmes de recyclage en sécurité, sous contrôle international, l'activité électorale ou réformatrice, et il encourage d'autres mesures de soutien liées aux efforts de réforme. Suite de nominations de ministres palestiniens habilités à entreprendre des réformes fondamentales. Franchissement de nouvelles étapes pour atteindre une authentique séparation des pouvoirs, comprenant toute réforme de la législation palestinienne nécessaire à cet effet. Mise en place d'une commission électorale palestinienne indépendante. Révision et amendement par le CLP de la loi électorale. Compétence palestinienne en matière de références judiciaire, administrative et économique, comme arrêtée par la Task Form internationale (ensemble des donateurs) pour la réforme palestinienne.

Aussi vite que possible, sur la base des mesures sus-exposées et dans le contexte d'un débat ouvert ainsi que d'une campagne électorale de désignation des candidats transparente, fondée sur un processus libre et pluripartite, tenue par les Palestiniens d'élections libres, ouvertes et justes. Le gouvernement israélien facilite l'assistance de la Task Force pour l'élection, l'inscription sur les listes électorales, le déplacement des candidats et des responsables officiels. Soutien des ONG engagées dans le processus électoral. Réouverture par le gouvernement israélien de la chambre de commerce palestinienne et autres institutions palestiniennes fermées dans Jérusalem-Est, contre l'engagement de ces institutions à opérer en stricte conformité avec des accords passés préalablement entre les parties.

Réponse humanitaire. Israël prend des mesures pour améliorer la situation humanitaire. Israël et les Palestiniens appliquent intégralement toutes les recommandations du rapport Bertini pour améliorer les conditions humanitaires, en levant les couvre-feux, en diminuant les restrictions de circulation des personnes et des biens, en autorisant un accès libre, total et sans entrave au personnel international et humanitaire. Examen, par le Comité de liaison ad hoc, de la situation humanitaire ainsi que des perspectives de développement économique en Cisjordanie et à Gaza, et lancement d'un effort massif d'aide financière d'origine privée, incluant l'effort de réforme.

Le gouvernement israélien et l'autorité palestinienne reprennent le processus des mouvements financiers et des transferts de fonds, y compris des arriérés, conformément à un mécanisme de contrôle transparent et accepté.

Société civile. Reprise de l'aide financière privée, et possibilités financières accrues à travers les ONG ou les PVO (organisations bénévoles privées). Pour les programmes de peuple à peuple, développement du secteur privé et initiatives de la société civile.

Colonies. Démantèlement immédiat par le gouvernement d'Israël de tous les points de colonisation construits après mars 2001. Dans la logique du rapport Mitchell, gel par le gouvernement d'Israël de toutes les activités de colonisation (y compris l'extension naturelle de colonies existantes).

2. Deuxième phase. Transition juin 2003 ˜ décembre 2003.

Pendant la deuxième phase, les efforts sont concentrés sur l'option de la création d'un Etat palestinien indépendant, avec des frontières provisoires et les attributs de la souveraineté, fondé sur la nouvelle Constitution et constituant une étape vers l'accord sur un statut permanent. Comme il a été remarqué, ce but ne peut être atteint que lorsque les Palestiniens disposeront d'une direction qui lutte résolument contre la terreur, qui soit désireuse et capable de bâtir une démocratie pratiquante fondée sur la tolérance et la liberté. Avec une telle direction, des institutions civiles et des structures sécuritaires réformées, les Palestiniens auront le soutien actif du Quartet et, plus largement, de la communauté internationale pour l'installation d'un Etat indépendant et viable.

Le passage à cette deuxième phase dépendra du jugement consensuel du Quartet qui évaluera si les conditions sont réunies pour continuer, au vu des accomplissements des deux parties. Poursuivant et accentuant les efforts pour normaliser la vie des Palestiniens et bâtir l'institution palestinienne, la deuxième phase commence après les élections palestiniennes, et s'achève avec la création possible d'un Etat indépendant aux frontières provisoires, en 2003. Ses objectifs premiers sont de continuer à assurer une sécurité globale et une coopération effective en matière de sécurité, la normalisation de la vie palestinienne et la construction de l'institution, le maintien et le développement des objectifs dessinés dans la première phase, la ratification d'une Constitution palestinienne démocratique, la mise en place formelle de la fonction de premier ministre, la consolidation de la réforme politique, et la création d'un Etat palestinien aux frontières provisoires.

Conférence internationale. Convoquée par le Quartet, en concertation avec les parties, juste après la conclusion heureuse des élections palestiniennes, pour soutenir le redressement économique palestinien et lancer un processus conduisant à l'installation d'un Etat palestinien indépendant aux frontières provisoires. Une telle rencontre ne serait pas restrictive, fondée sur l'objectif d'une paix globale au Proche-Orient (incluant Israël et la Syrie d'une part, Israël et le Liban d'autre part), elle-même fondée sur les principes exposés dans le préambule du présent document.

Restauration par les Etats arabes des liens entretenus avec Israël avant l'Intifada (commerce, affaires, etc.). Reprise de l'engagement multilatéral sur des questions incluant les ressources en eau de la région, l'environnement, le développement économique, les réfugiés, le contrôle des armes. Finalisation et approbation par les institutions palestiniennes compétentes d'une nouvelle Constitution pour un Etat palestinien indépendant et démocratique. Organisation, s'il est besoin, d'élections après l'approbation de la nouvelle Constitution. Réforme autorisée du cabinet, avec instauration formelle d'une charge de premier ministre, dans la logique du projet de Constitution. Poursuite d'une politique globale de sécurité, incluant une coopération efficace en la matière, sur les bases définies dans la première phase.

Création d'un Etat palestinien indépendant aux frontières provisoires, à travers un processus d'engagement israélo-palestinien, puis lancement par la conférence internationale. Dans le cadre de ce processus, application des accords antérieurs, pour étendre au maximum la continuité territoriale, notamment par une action supplémentaire sur les colonies, conjointement avec l'établissement d'un Etat palestinien aux frontières provisoires. Renforcement du rôle international dans le contrôle de la transition, avec le soutien actif, constant et opérationnel du Quartet. Action des membres du Quartet en faveur d'une reconnaissance internationale de l'Etat palestinien, avec adhésion éventuelle aux Nations Unies.

3. Troisième phase. Accord sur un statut définitif et fin du conflit israélo-palestinien. 2004-2005.

Passage à la troisième phase conditionné au jugement consensuel du Quartet, prenant en compte les actions des deux parties et le pilotage du Quartet. Les objectifs de la troisième phase sont la consolidation des réformes et la stabilisation des institutions palestiniennes, le fonctionnement soutenu et efficace de la sécurité palestinienne, et des négociations israélo-palestiniennes en vue de parvenir à un accord définitif en 2005.

Seconde conférence internationale. Convoquée début 2004 par le Quartet, en concertation avec les parties, pour avaliser l'accord atteint sur un Etat palestinien indépendant aux frontières provisoires, et lancer, avec le soutien actif, constant et opérationnel du Quartet, un processus conduisant à une résolution de statut définitif et permanent d'ici à 2005, réglant le problème des frontières, de Jérusalem, des réfugiés, des colonies ; et encourageant les progrès vers une solution globale au Proche-Orient à atteindre le plus vite possible, solution réglant la situation entre Israël et le Liban, la situation entre Israël et la Syrie.

Progrès constant, efficace et soutenu de la sécurité, coopération soutenue et efficace pour cette sécurité, sur les bases définies dans la première phase. Efforts internationaux pour faciliter la réforme et stabiliser les institutions ainsi que l'économie palestiniennes, en vue de l'accord définitif sur le statut.

Les parties parviennent à un accord sur un statut définitif et complet qui met un terme au conflit israélo-palestinien en 2005, à travers un accord négocié entre les parties et fondé sur les résolutions 242, 338 et 1397, qui met également un terme à l'occupation commencée en 1967, comporte une solution réaliste, juste, équitable et acceptée au problème des réfugiés, une solution négociée sur le statut de Jérusalem prenant en compte les préoccupations religieuses et politiques des deux parties, préserve les intérêts religieux des juifs, des chrétiens et des musulmans du monde entier, satisfait la vision de deux Etats, Israël et une Palestine viable, démocratique, indépendante et souveraine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Acceptation arabe de relations pleines et normales avec Israël, sécurité pour tous les Etats de la région dans le contexte d'une paix israélo-arabe globale. (Traduit de l'anglais par Françoise Cartano)

La "feuille de route" (le Monde du 3 juin 2003)

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